Hommages de Gilles Prud’homme (collègue), de l’École de design (UQAM) et de Roger-Bruno Richard (Université de Montréal)
HOMMAGE DE ROGER-BRUNO RICHARD (Professeur à l’École d’architecture de l’Université de Montréal) :
“Décès de Dan Hanganu (professeur associé à l’École d’architecture depuis 1999, professeur invité en 1993 et en 1997)
Nous venons de perdre Dan Hanganu, l’architecte qui a produit chez nous plusieurs des œuvres les plus significatives des dernières décennies.
Une architecture marquée par la sobriété lyrique qui lui est propre. Dan établissait une règle claire et catégorique, principalement générée par la fonction et le contexte, puis il s’appliquait subtilement à briser avec virtuosité la règle qu’il avait établie et c’est ce qui donne chaleur et rythme à ses réalisations.
Le Pavillon de l’École des HEC l’illustre à grande échelle : à l’horizontale les étages ont des vocations spécifiques segmentées à la verticale par des percements inventifs et par une coloration diversifiée; sans oublier le sympathique contournement des arbres à l’ouest.
Val de l’Anse nous offre le projet de copropriété le plus réussi à Montréal, voire même au Canada. Tous les appartements sont transversaux, avec la vue du Fleuve d’un côté et du Centre-ville de l’autre, tout en bénéficiant de la ventilation naturelle offerte par le différentiel de pression. À tous les trois étages, la façade suggère la présence des corridors de rattrapage en cas de déficience d’ascenseur. Et le tout voisine très bien avec les édifices jumeaux de Mies van der Rohe.
Le Musée Pointe-à-Callière est le phare du Vieux-Montréal. La tour cylindrique signale de façon très forte la rencontre des siècles alors que le reste de l’édifice se rallie à la trame du voisinage.
Le volume de l’Église abbatiale de Saint-Benoît-du-Lac s’appuie sur le langage de Dom Bellot tout en introduisant la sobriété lyrique propre à Dan; respectueuse à l’extérieur, elle devient exubérante et lumineuse à l’intérieur.
Il en va de même pour la plupart des projets de Dan Hanganu. Les nombreux concours, distinctions et prix remportés témoignent de son talent et de la valeur de son œuvre. Il était à la fois passionné par son métier d’architecte et chaleureux sur le plan humain, hautement apprécié par tous ceux qu’il a connus et avec qui il a travaillé.
C’était un ami depuis que nous nous étions rencontrés chez Victor Prus. Nous avons partagé le même local d’atelier pendant une dizaine d’années et Dan participait régulièrement à mes jurys à l’École d’architecture. Il sera toujours présent dans mes pensées.
Roger-Bruno Richard”
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HOMMAGE DE L’ÉCOLE DE DESIGN DE L’UQAM :
“In Memoriam | Dan S. Hanganu
Toute la communauté de l’École de design est profondément attristée par le décès de l’architecte Dan S. Hanganu. Figure déterminante de l’architecture au Québec reconnue internationalement, il a conçu le remarquable Pavillon de design de l’UQAM pour lequel il a reçu un Grand Prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec en 1996.
Plusieurs autres de ses projets ont également été récompensés et de multiples distinctions lui ont été décernées depuis les années 1980, dont les titres d’Officier de l’Ordre du Canada et de l’Ordre national du Québec. En 2015, l’École de design et la Faculté des arts de l’UQAM lui ont attribué avec grand enthousiasme un doctorat honoris causa afin de souligner ses réalisations exceptionnelles et de lui témoigner notre appréciation collective. Le Centre de design a aussi présenté en 1990 une rétrospective de ses projets complétés entre 1980 et 1990.
Ami de longue date et complice de plusieurs professeurs, chargés de cours et de diplômés de l’École de design, Dan S. Hanganu laisse à notre communauté l’immense privilège de vivre au quotidien dans un environnement de grande qualité et un héritage majeur au patrimoine architectural de l’UQAM.
Nous offrons nos plus sincères condoléances à sa famille ainsi qu’à ses amis et ses proches collaborateurs.”
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HOMMAGE DE GILLES PRUD’HOMME (Collègue et ami) :
“Hommage à Dan S. Hanganu
Comment décrire Dan Hanganu en quelques mots? Je propose plutôt l’évocation de sa passion comme architecte, indépendamment de ses grands bonheurs liés à sa famille, à Anca son épouse, ses deux filles et gendre, Simona, Karina et Nick, aux parents et amis et surtout, à ses petits-enfants, Hugo et Oliver.
Dan était un homme qui avait les yeux ouverts¹. Il captait tout, augmentant ainsi sa sensibilité au monde, le rendant souvent très heureux, mais cela participait aussi à ses nombreuses inquiétudes et déceptions.
Il était un passionné, investi d’une mission souvent insurmontable de construire une architecture et une ville plus cohérentes et humaines.
Sa démarche créative, dans la recherche de l’évidence et du vrai, était constituée d’un va-et-vient constant ainsi que de nombreux questionnements et doutes qui surgissaient souvent la veille de la remise d’un concours (…). Cette « insécurité » était liée à l’exigence de « bien faire », mais aussi à des « obsessions » associées à une cohérence, à une évidence que doit porter l’architecture. Ces situations devenaient souvent très déstabilisantes pour ses collaborateurs, mais tout aussi bénéfiques dans le sens de la « mission à accomplir » et de sa satisfaction, même si celle-ci n’était rarement partagée par lui.
Pour Dan, l’essence de chaque commande, de chaque programme, que ce soit une école, un musée, une bibliothèque, un théâtre ou de l’habitation, était à la base de sa démarche projectuelle. Une recherche de l’ontologie – de l’origine – garantissait ainsi une approche significative socialement et culturellement. Ce sens de l’usage – de l’archétype – en architecture se voulait une recherche du juste rapport à l’usage, mais aussi à la représentation publique du bâtiment, à son statut civique.
Dan avait pour mission de communiquer, de faire comprendre aux non-initiés une architecture joyeuse, remplie de lumière, accueillante, voire enveloppante. Faire que le bâtiment communique son « essence », mais aussi sa construction ; cet assemblage de matériaux par différents métiers qui devaient être mis en valeur. Il avait un grand respect des ouvriers et désirait leur offrir une visibilité du travail bien fait. Le bâtiment se voulant ainsi didactique.
« L’émotion » du visiteur, de l’occupant devenait une motivation. Souvent associée à un parcours, cette émotion prenait forme sous le thème de découvertes, de qualités de lumière, de transparences ou de vues cadrées sur le contexte immédiat. Les HEC-Montréal, le Pavillon de Design de l’UQÀM, le Centre d’archives de Montréal ou les bibliothèques Marc-Favreau et Monique-Corriveau en font, entre-autres, la démonstration.
Sa passion était communicative et nous avons eu, mes collègues et moi, l’extrême privilège d’en avoir bénéficié. Cette passion pouvait devenir un combat, afin d’influencer les élus ou autres décideurs sur les différents enjeux urbains. Le Square Viger, œuvre de Charles Daudelin, était le dernier en lice dans lequel il s’était impliqué avec passion.
Hanganu a ouvert la voie à une architecture contemporaine foisonnante et extrêmement riche qui fait la marque du Québec, non par son style, mais beaucoup plus par une approche qui a ouvert la voie à l’émergence et le développement d’une architecture de qualité. Nous sommes probablement tous aujourd’hui porteurs de cet héritage.
Comment décrire Hanganu autrement que comme un grand architecte, un homme vrai ayant des convictions et une morale. Toute son existence fut consacrée à l’architecture et cette vie, inséparable de ce « métier » comme il le nomme, demeure liée au don et à la générosité. ²
Dans tous ses projets, Hanganu s’est affirmé comme un « créateur de modèles », car il est évident que ces différents types de grandes échelles orientés vers la rue qu’il propose pour Montréal sont des contributions, intelligentes et responsables, au tissu urbain de la ville. La position créative qu’il assume est rationnelle et éthique… ³
¹ Alvaro Siza, à propos de Le Corbusier, « Imaginer l’évidence », Ed. Parenthèse, Paris, 2012, p.142
² Gilles Prud’homme, « Une pensée du projet dans la durée, entre invention et histoire », dans Dan Hanganu – Works 1981-2015, Dalhousie Architectural Press, 2017
³ Kenneth Frampton, « Une position rationnelle et esthétique », dans Dan S. Hanganu architecte. Projets et réalisations 1980-1990, Centre de design de l’UQÀM, 1990