“Nous venons de perdre une figure dominante de l’architecture contemporaine, Victor Prus, décédé à 3 mois de son 100e anniversaire de naissance. Après la Pologne et l’Angleterre, Victor Prus s’établira à Montréal en 1952; motivé par la rencontre des cultures française et anglaise, européenne et nord-américaine. Par ailleurs, il séjournera brièvement à l’Université Princeton où il fut l’assistant de Buckminster Fuller en 1953.
Chacun de ses projets affirme une synthèse architecturale nettement spécifique et fortement axée sur l’épanouissement des usagers.
La station de Métro Bonaventure s’est vue attribuer avec raison le titre de « cathédrale du transport en commun » par Reyner Banham dans le numéro spécial d’Architectural Review sur l’Expo 67. Elle articule sur trois niveaux une élégante séquence d’arcades et de voûtes, dont la géométrie varie en fonction du débit des circulations et qui suscite un sentiment de noblesse chez le piéton qui l’emprunte.
L’Autostade d’Expo 67 se distingue comme un précurseur du développement durable au Québec. Il est composé de 19 plateaux rectangulaires de gradins en béton préfabriqué, chacun s’appuyant sur deux colonnes en son sommet. Disposés en ellipse, les plateaux dégagent des interstices offrant aux spectateurs une vue sur Montréal et sur le Fleuve. L’Autostade est démonté en 1977 et plusieurs plateaux furent distribués et remontés dans certains parcs sportifs au Québec, notamment à Thetford Mines.
Le Grand-Théâtre de Québec, gagnant du concours national, est une démonstration de virtuosité spatiale exceptionnelle. Le conservatoire de musique génère un atrium surbaissé par rapport au niveau de la rue alors que les deux salles au programme sont superposées dans un bâtiment essentiellement introverti où les foyers de la grande salle donnent sur l’immense triptyque de Jordi Bonet; un univers en soi qui stimule inévitablement l’imaginaire des spectateurs, en complément ou en contraste avec le spectacle présenté.
Le projet du « RCAF Memorial », également gagnant du concours national mais non construit, unifie de façon extrêmement simple et puissante quatre triangles rectangles correspondant aux grandes fonctions (musée-théâtre / chapelle œcuménique / école / parvis) et s’élevant progressivement du sol vers un faisceau vertical central. Ce fut un privilège pour moi que d’être l’assistant de Victor Prus dans le développement de ce projet auquel il était particulièrement attaché, ayant été pilote dans une escadrille polonaise de la « Royal Air Force » lors de la Seconde Guerre mondiale et récipiendaire de la Croix de la vaillance polonaise à deux reprises.
Plusieurs autres projets témoignent du talent de Victor Prus, dont la majesté de l’observatoire astronomique Canada/France de Mauna Kea à Hawaï, la ventilation naturelle offerte par les nervures en diagonale de la toiture à l’Aéroport international de la Barbade et la convivialité murale de la station de Métro Langelier. La conception architecturale est toujours basée sur un scénario propre à créer chez l’usager une émotion qui dépasse la raison d’être de l’édifice. Et ce sont surtout les dessins en coupe qui révèlent son ingéniosité à cet égard.
Tout au long de sa carrière, Victor Prus pouvait compter sur l’appui et la complicité de sa conjointe également architecte, Maria, une dame magnifique.
Roger-Bruno Richard, architecte et professeur titulaire
École d’architecture
Faculté de l’aménagement
Université de Montréal
Références :
• Revue ARQ, « Profils d’architectes d’aujourd’hui : VICTOR PRUS », No 98, août 1997.
• Prus, Victor, « Essays in Architecture of Condition or What It’s Like to Be an Architect », livre publié à compte d’auteur disponible à la Bibliothèque de l’aménagement de l’Université de Montréal et à la Bibliothèque de l’Université McGill.
• Les dessins, maquettes et textes de l’agence de Victor Prus sont archivés au Centre canadien d’architecture.”