Actualité octobre 2020

Le Diamant par Coarchitecture | In Situ | Jacques Plante Architectes

Stéphane Groleau

Pourquoi avoir sélectionné ce projet à titre de vitrine pour Kollectif ?

Issu d’un concours, nous apprécions le parti architectural de ce projet, notamment le voile de verre qui drape l’ancien YMCA tout en le mettant en valeur, particulièrement la nuit, telle une lanterne. Nous retenons également l’intégration réussie d’un programme aussi complexe qu’une salle de spectacle (circulation des usagers, blocage des espaces et intégrations des éléments techniques) dans un site aussi exigu.

La sensibilité apportée par l’équipe d’architectes à la mise en valeur contrastante de certains éléments de l’ancien bâtiment (par exemple, dans le foyer) tout en mettant en scène des interventions monumentales, comme l’escalier sculptural, est inspirante.

Quant à la salle de spectacle, sa sobriété parée de façades latérales en bois gravé aux teintes noires qui rappellent autant un décor d’avant-scène que le style architectural de l’ancien YMCA, permet d’attirer l’attention des spectateurs sur la raison même du projet, soit la scène de théâtre.

L’architecture du Diamant devient un acteur de soutien : il est charmant, joue à merveille son rôle et possède cette caractéristique naturelle d’émouvoir les spectateurs.


Description du projet :

Le Diamant : Lieu de rayonnement

L’approche conceptuelle : un diamant à mettre en scène et en lumière

Entre les façades patrimoniales de style Second Empire d’un ancien YMCA à conserver (érigé en 1879), et l’immensité d’une salle de spectacle (625 sièges) polyvalente à architecturer à la fine pointe de la technologie scénique, il fallait créer de l’espace dans un site enclavé, afin de laisser vivre ces deux entités architecturales et fonctionnelles. La décision de trancher dans l’existant en diagonale assure la matérialisation sans compromis du nouveau centre de diffusion culturelle et permet d’intégrer à la géométrie du tissu urbain un nouveau lieu semi-public. Un vide interstitiel triangulaire qui monte sur toute la hauteur de l’ancien bâtiment agit comme lieu de lumière et de vie ainsi que de dispersion des publics en lien avec la place d’Youville, carrefour culturel de la ville. La création d’un tel volume permet aux deux entités, bâtiment patrimonial et salle de spectacle, d’exister pleinement et de contribuer mutuellement à leur appropriation respective par les spectateurs et l’équipe du Diamant.

L’approche urbaine : des parcours fondateurs inspirants

La diagonale est issue de l’analyse urbaine de la place d’Youville aménagée à la jonction entre la basse-ville et le Vieux-Québec, près de la porte Saint-Jean. À cet endroit, l’angle des fortifications fait dévier la rue éponyme et crée un accident dans la trame de rues orthogonales. De l’autre côté de la place, la montée de la côte d’Abraham suit l’alignement du mur de fortification, obligeant le bâti à respecter cet accident dû à la falaise. La rencontre virtuelle de ces deux diagonales parfaitement alignées se fait derrière la façade du YMCA où est créé l’espace interstitiel traversant qui définit la volumétrie du Diamant et son organisation programmatique.

L’approche architecturale : un volume de verre unifiant

Au sommet de cette brèche émerge un volume de verre en fond de scène de l’ancien YMCA. Le volume de verre facetté, traité en transparence et en translucidité, signale le nouveau lieu culturel et agit comme atrium en son cœur et lanterne urbaine le soir venu. Faisant le pont entre les deux parties de la place d’Youville, le prisme cristallin affirme les deux entrées qui mènent au centre du projet.

Sur la rue Saint-Jean, il s’articule en facettes au-dessus de l’entrée principale en prenant la place de la portion manquante du bâtiment de l’ancien YMCA d’origine. (Ce dernier a été amputé d’une baie complète lors de la construction du cinéma de Paris en 1948). L’œuvre de l’artiste Claudie Gagnon intégrée au projet prend la place de l’ancienne enseigne du Cinéma de Paris et l’évoque comme emblème du quartier jadis visible dans l’axe de la rue.

La matérialité extérieure : une intervention contemporaine intégrée au patrimoine

Le volume de verre sérigraphié s’inscrit entre l’ancien bâtiment du YMCA aux façades de pierre et la nouvelle salle surmontée d’un studio de création. Restaurées à l’authentique, les façades de l’ancien YMCA, réanimées par leur nouvelle vocation, contribueront à redynamiser la place publique et la rue. La volumétrie de la toiture mansardée est reconstituée telle qu’à l’origine avec son revêtement en tuiles d’ardoise et de cuivre étamé. Le studio de création qui émerge derrière le volume de verre en toiture est recouvert de bardeaux d’acier inoxydable et s’efface contre le ciel.

Le volume aveugle de la cage de scène de la salle de diffusion ne peut, dû à l’étroitesse et contraintes du site, donner que directement sur la rue des Glacis. Pour contrer cette opacité, il est revêtu de panneaux de béton préfabriqués sur lesquels a été reproduit à l’échelle, par le truchement d’un moulage en micro-relief, le dessin de 1878 de la façade de l’aile du YMCA jamais construite, conçue par l’architecte Joseph-Ferdinand Peachy dans le cadre du concours d’architecture de l’époque. Ce procédé de moulage permet à la façade fantôme d’apparaître et de disparaître grâce à un effet d’optique d’ombres et de lumière et selon la position de l’observateur et du soleil. Elle en continuité avec la façade du bâtiment conservé, son échelle et ses détails architecturaux.

Stéphane Groleau

L’intérieur du Diamant : entre patrimoine et modernité

On entre dans le Diamant à partir de la Place d’Youville à l’endroit où se trouvait le hall de l’ancien Cinéma de Paris. L’aménagement du nouveau hall évoque le jeu de miroirs et de réflexions à l’infini de l’ancien, de style Art déco, au moyen de surfaces noires réfléchissantes et parallèles qui constituent le plafond, les murs et le plancher. Ce jeu de réflexions donne l’impression d’entrer à l’intérieur d’un diamant. Des artéfacts récupérés de l’ancien hall et réinstallés sur les murs, des boîtiers vitrés d’affichage transformés en système d’affichage numérique, témoignent aussi de l’époque.

Après avoir transité par un hall sombre, on arrive au cœur du bâtiment dans un vide lumineux, entre l’ancien YMCA et la nouvelle salle de spectacle. En fond de perspective, on réaperçoit la Place d’Youville au travers de l’entrée sur la rue des Glacis et à notre gauche un grand restaurant aménagé derrière la façade du YMCA. En levant le regard, on aperçoit le vide triangulaire qui monte sur plusieurs niveaux. D’un côté, il est défini par une grande paroi de verre qui tranche en diagonale l’ancien YMCA, révélant l’intérieur de chacun des trois étages par transparence, et de l’autre, en contraste, par le nouveau volume opaque en béton brut de la salle de spectacle. Un escalier monumental, revêtu de bois, prend place dans le vide et le parcourt en son centre comme un arbre qui monte vers la lumière.

En empruntant l’escalier monumental, on découvre ensuite à l’étage noble le foyer ouvert sur le vide. Le foyer est chaleureux avec son plancher en bois, les structures en bois des anciennes cloisons récupérées et réinstallées et les plafonds moulurés qui évoquent le fantôme des pièces. Les deux grands murs de refend en brique de l’époque avec leurs portes en arches de différentes dimensions sont réinterprétés par des murs coulés en béton qui incorporent la nouvelle structure. Le foyer se poursuit vers la rue des Glacis dans le volume de verre qui l’expose sur la place publique.

On accède à la salle de spectacle, lorsqu’elle est en configuration à l’italienne, à partir du foyer par une passerelle qui traverse le vide qui les sépare. On entre dans un grand volume opaque en béton coulé dans lequel un décor scénographique ingénieux et transformable évoque la modénature de la façade du YMCA. Devant les parois en béton latérales et leurs passerelles techniques s’élèvent des façades en bois gravées, teintes en noir, qui reprennent le module des arches sur deux niveaux de la façade de l’ancien YMCA, créant une ambiance en continuité avec l’extérieur du bâtiment. Le plancher de la scène/salle est à niveau avec celui de l’entrée principale afin de faciliter les parcours des visiteurs. Le studio de création quant à lui est installé tout en haut au-dessus de la salle de diffusion et de l’étage administratif. Il est de plain-pied avec la terrasse aménagée sur le toit de l’ancien YMCA, laquelle offre une vue magnifique sur la ville.

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Fiche technique du projet :

  • Titre officiel du projet : Le Diamant
  • Localisation : Ville de Québec, Québec
  • Clients : Robert Lepage et Dali Berthiaume, directeur du projet de construction
  • Architectes : Coarchitecture | In Situ | Jacques Plante Architectes
  • Ingénieur en structure : Tetra Tech
  • Ingénieurs électro-mécanique : Dupras-Ledoux / Ambioner
  • Entrepreneur général : Pomerleau
  • Date de fin de projet : 31 Aout 2019
  • Superficie : 7900 m²
  • Budget : 28M $
  • Crédit photo : Stéphane Groleau
  • Autres consultants : Pierre Lemieux et Yves Bouchard, consultants en scénographie (Trizart) et Jean-Marie Guérin, acousticien, WSP

Description des firmes :

COARCHITECTURE

Hudon Julien Associés devient Coarchitecture en 2011, suite à la formation d’un nouveau collectif d’associés ayant pris la relève des fondateurs de la firme bien établie à Québec. Le « CO » de Coarchitecture signifie collaboration. Ce mot représente notre culture d’entreprise qui consiste à collaborer avec nos clients ainsi qu’avec l’ensemble des intervenants constituant la chaîne de valeur à la base du succès des projets. Basée à Québec, notre firme se distingue par sa spécialité dans la conception et la rénovation d’édifices administratifs institutionnels ainsi qu’en aménagement de milieux de travail.

« CRÉONS DES LIEUX REMARQUABLES ET DURABLES »

Voilà la synthèse de la culture d’entreprise de Coarchitecture. La firme est aujourd’hui reconnue pour son approche collaborative conduisant à une architecture équilibrée et innovante. Elle a d’ailleurs remporté le prix « innovation en architecture » décerné par l’Institut Royal d’Architecture du Canada ainsi que le prix en développement durable de l’Ordre des Architectes du Québec. Consciente qu’elle s’inscrit dans une grande chaine de valeur où plusieurs intervenants joueront un rôle essentiel au succès des projets, Coarchitecture mise sur cette culture de collaboration pour nourrir l’innovation à valeur ajoutée.

Innovation :

Le développement durable est un défi de taille qui consiste essentiellement à introduire un processus d’amélioration continue dans nos pratiques, idéalement les meilleures. Pour s’imposer en leader dans ce domaine, Coarchitecture consacre une partie de ses activités à la Recherche et Développement dans l’optimisation de l’éclairage naturel et artificiel, la réduction de la demande en énergie des immeubles, l’amélioration du confort thermique des occupants ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Pour visiter le site internet de Coarchitecture…

IN SITU ATELIER D’ARCHITECTURE

Le collectif in situ atelier d’architecture, fondé en 1995 par Annie Lebel et Stéphane Pratte, travaille depuis sa fondation à définir et peaufiner une pratique à différentes échelles et multidisciplinaire : mobilier, design intérieur, installation, muséographie, architecture résidentielle, culturelle, commerciale et design urbain. Cette approche permet à l’atelier de développer des concepts forts et originaux qui procèdent d’une vision globale. Élément catalyseur dans le processus de création de l’atelier, la notion de site est abordée comme une donnée active, spatiale et temporelle.

Récipiendaire du Prix de Rome en architecture du Canada en 2001 pour la qualité de ses conceptions architecturales, in situ atelier d’architecture est reconnu pour la clarté de ses concepts ainsi que la facture épurée et contemporaine de ses réalisations. La firme attribue une grande importance à la qualité de la réalisation matérielle des projets, où les concepts s’expriment jusque dans le détail. In situ a été reconnu par ses pairs à plusieurs reprises en remportant de nombreux prix d’architecture, dont dès le début en 1997 avec le projet de l’Édifice Zone, pour la transformation d’un bâtiment industriel en bureaux, pour lequel la firme remportait le Grand Prix d’excellence et le Prix d’excellence catégorie recyclage et reconversion en 1997. Tout récemment encore, in situ remportait le Prix d’excellence de l’OAQ 2020, catégorie bâtiment culturel, pour le projet du Diamant à Québec (réalisé en consortium), une salle de diffusion multifonctionnelle. Dès sa création, in situ a développé une relation privilégiée avec le milieu culturel et une grande expertise dans la transformation et l’agrandissement de bâtiments existants. Elle a réalisé un grand nombre de projets pour ce milieu et développé une expertise dans la réalisation d’équipements culturels de production et de diffusion de natures, de budgets et de programmes très divers.

in situ occupe une place importante parmi les firmes québécoises d’architecture qui innovent et excellent dans la réalisation de leurs projets et est régulièrement sélectionnée comme finaliste dans le cadre de concours d’architecture ou multidisciplinaire.

Pour visiter le site internet d’in situ atelier d’architecture…

JACQUES PLANTE | ARCHITECTE ET PROFESSEUR

“L’architecte Jacques Plante craque pour les façades théâtrales. Il les traite comme les vedettes d’une mise en scène, car à l’instar du philosophe chinois Lao-Tseu, il a la conviction qu’elles appartiennent à ceux qui les regardent.” Michèle LaFerrière, Le Soleil

Jacques Plante est né à Québec où il a grandi. Il détient un baccalauréat en architecture de l’Université Laval (1979) et une maîtrise en architecture du Massachusetts Institute of Technology de Cambridge, MA (1985). Il a reçu une équivalence de doctorat de l’Université Laval (2007). Membre de l’Ordre des architectes (1982), il œuvre en architecture depuis 40 ans à Québec et à Montréal. Son engagement chez Blouin et Associés à Montréal (1986) marque le véritable début de sa pratique architecturale. Il devient associé de la firme (1988) et affirme son approche de l’architecture en recherchant une autre voie que celle du postmodernisme (collage et emprunt littéral de formes historiques en vogue depuis les années 1970). À travers des projets de transformation, il propose une lecture nouvelle et personnelle de l’édifice patrimonial et du milieu urbain qui en révèle les modes de composition et de construction, les matériaux et l’assemblage. Son intention est de dépasser une perception purement visuelle et stylistique de l’architecture pour atteindre une lecture plus symbolique, à l’image de son client, du projet et du site.

Profil

Il fonde sa firme (1992) et enseigne l’architecture à Montréal et Québec. Chargé de cours à l’École d’architecture de l’Université de Montréal (1988-1995) et à l’École d’architecture de l’Université Laval (1992-2007), il est devenu professeur (2007) et promu au rang de professeur agrégé (2012) et professeur titulaire (2019). Il y a instauré la bourse quinquennale de «recherche-création Jacques-Plante» pour les étudiants (2008), dont il en a mentorisé plusieurs. Seul ou avec d’autres firmes, il a réalisé des projets culturels, patrimoniaux et paysagers qui ont remporté plus de 45 prix et distinctions et fait l’objet publications, conférences et expositions au Canada et à l’étranger. Le Centre de production multimédia pour Robert Lepage à Québec (Caserne Dalhousie, 1997) imprimera une nouvelle direction à son travail et stimulera son intérêt pour les lieux de spectacles. Concepteur de tous ceux auxquels il a collaboré, il a co-réalisé l’Impérial (1998), le Périscope (1999), la Bordée (2003), la Tohu (2004), le Palais Montcalm (2007), le Centre circassien Les 7 doigts de la main (2019) et le Diamant (2019). Ses étudiants ont aussi mérité des bourses et des prix internationaux.

Il s’intéresse à la théâtralité des lieux publics et des espaces urbains. Il renouvelle sa pratique et contribue à la profession par l’enseignement et critique de projets d’architecture, la participation à des jurys de bourses et de concours, la participation à des concours, la prestation de conférences et d’expositions et la recherche-création dont l’Opéra-palette (2010-2011), l’Opéra-tube (2012-2014), Circus-Circus (2012-2013) et le KIOSK (2017-2020), et la publication d’ouvrages sur l’architecture : Architectures du spectacle au Québec (2011), Architectures de la connaissance au Québec (2013) et Architectures d’exposition au Québec (2016).

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