Un texte de Marc-André Carignan, chroniqueur en développement urbain
Tiens, tiens. Après avoir martelé pendant des mois que le souterrain n’est pas envisageable au centre-ville de Montréal, que des bâtiments risquent de s’effondrer si on creuse un tunnel, voilà que le promoteur du REM de l’Est, CDPQ Infra, réévalue la possibilité d’enterrer une petite portion de son tracé. Plus précisément : 500 mètres sous René-Lévesque entre le boulevard Robert-Bourassa et la rue De Bleury.
Voilà une bonne nouvelle. Ce scénario permettrait de libérer le paysage de structures aériennes colossales aux côtés d’édifices iconiques, comme la Place Ville-Marie et la basilique Saint-Patrick. Sans compter que le souterrain risque de simplifier les connexions entre le terminus du REM de l’Est et les autres réseaux, comme le métro et les trains de la gare Centrale.
Reste que cette volte-face a de quoi surprendre dans les circonstances. La Caisse de dépôt a dû hésiter longuement avant de devoir piler sur son orgueil. Elle envoie un drôle de message après l’opération de relation publique entreprise en début d’année pour démoniser le souterrain. Elle donne maintenant l’impression d’avoir voulu faire des économies pour maximiser la rentabilité du projet, quitte à défigurer la métropole.
S’agit-il d’une réaction à la pression des experts en architecture, urbanisme et paysage qui s’est accentuée ces derniers mois ? Ou une réaction face au comité multidisciplinaire qui doit assurer l’intégration architecturale du projet et qui talonnerait la Caisse à ce sujet même s’il n’a pas le mandat de critiquer les structures aériennes ?
Ou peut-être même une pression politique ? Après tout, la ministre responsable de la Métropole, Chantale Rouleau, a récemment indiqué que « [ce n’est] pas impossible que ça change » faisant référence au controversé tracé aérien. Il faut dire qu’au sein même de l’appareil gouvernemental, plusieurs experts issus de ministères comme celui du Tourisme, de l’Environnement, ainsi que de la Santé et des Services sociaux se disent préoccupés des effets de l’insertion aérienne d’un métro léger sur la convivialité des rues, le risque de « fracture urbaine » et l’attractivité de la métropole sur le plan esthétique.
Toujours est-il qu’il s’agit d’un petit pas dans la bonne direction. Mais la Caisse réussira-t-elle pour autant à réduire la grogne ?
Il reste tout de même tout un segment de René-Lévesque (2 km) qui devra composer avec les inconvénients d’un train aérien, du bruit aux vibrations, en passant par les énormes piliers qui se succéderont dans le panorama.
Même chose pour les quartiers à l’est du pont Jacques-Cartier, qui verront les nombreux trains passer en hauteur à proximité des résidences. La grogne est toujours palpable dans ces secteurs et risque de s’accentuer si cette option souterraine se confirme sous René-Lévesque. Plusieurs citoyens sont d’ailleurs offusqués de l’attention médiatique portée jusqu’à présent sur l’impact du REM de l’Est sur le centre-ville comparativement à leur réalité. Ils réclament (avec raison) le même traitement pour l’avenir de leur milieu de vie.
La partie est donc loin d’être gagnée par CDPQ Infra, malgré l’importance de mettre en place un lien de transport structurant pour redévelopper l’est de l’île.