Rapport d’activités 2020 du Conseil du patrimoine de Montréal + Mot du président Peter Jacobs
“Lors de sa séance du 17 mai 2021, le conseil municipal a adopté le rapport d’activités 2020 du Conseil du patrimoine de Montréal. Celui-ci rend compte de ses activités, dont les avis qu’il a émis durant la dernière année.
Il présente également des recommandations et des réflexions sur les enjeux à venir en patrimoine.”
Mot du président du Conseil du patrimoine de Montréal, Peter Jacobs (extrait du rapport d’activités) :
“Je me souviens des melons de Montréal qui poussaient à la ferme derrière la maison Monk (Villa Maria) à Notre-Dame-de-Grâce. Hélas, ils n’y poussent plus, tout comme plusieurs des boisés et maisons de fermes d’autrefois sur l’île de Montréal ont disparu du paysage. La perte progressive des composantes de notre patrimoine paysager et bâti s’additionne peu à peu, avec un impact cumulatif conséquent.
Pour qu’un érable à sucre (Acer saccharum) puisse atteindre sa pleine hauteur et développer sa couronne maximale, il faut patienter au-delà d’une trentaine d’années, alors que son espérance de vie dépasse les 200 ans. Pendant toute sa durée de vie, il offre un habitat aux oiseaux, petits animaux et insectes, en plus de procurer de l’air frais et de l’ombre à ceux et celles qui passent sous ses branches. « Pour produire un arbre, il faut le temps d’une vie », disait Georges-Émile Lapalme1. Or, il faut moins d’une petite minute pour l’abattre. L’écart entre sa période de croissance et la durée de sa destruction est tout simplement stupéfiant. Notre patrimoine bâti est lui aussi assujetti au même phénomène : après de longues années de mûrissement, il peut disparaître subitement.
L’âme de Montréal réside dans son patrimoine matériel et immatériel. Son identité, reconnue sur le plan local et international, est le reflet fidèle des paysages, quartiers, bâtiments, et monuments qui ont persisté jusqu’à nous comme témoins de nos valeurs en tant que société urbaine. Ce portrait de Montréal dépend non seulement de la conservation et de la mise en valeur de ce patrimoine, des ensembles tant naturels que bâtis, mais aussi des politiques, programmes, et projets qui servent d’armature à notre patrimoine futur.
La vision du nouveau Plan d’urbanisme doit assurer la pérennité de notre patrimoine et renforcer la lutte contre des actions qui le fragilisent. La place accordée au patrimoine dans l’ensemble des mesures de planification urbaine en cours et à venir doit tenir compte de ses multiples retombées bénéfiques, tant sur les plans touristiques, culturels et identitaires.
J’aimerais vous rappeler que la vacance et le manque d’entretien des bâtiments patrimoniaux, tels que le théâtre Empress et tant d’autres, conduisent inévitablement à leur démolition et à la disparition de plus en plus d’ensembles patrimoniaux de grande valeur et, par extension, à la dégradation du tissu urbain. Notons aussi qu’un pourcentage important des déchets que nous produisons provient de la démolition des bâtiments. Qu’il s’agisse de grand ou de petit patrimoine, iI est évident que des actions visant à contrer le manque d’entretien et l’inoccupation des bâtiments s’imposent pour éviter leur démolition. La voie la plus verte réside dans la conservation et la mise en valeur de notre patrimoine sous toutes ses formes.
Quant aux projets urbains à caractère patrimonial actuellement en élaboration, le CPM a révisé en 2020 plusieurs projets de reverdissement prometteurs tel que la place des Montréalaises. Nous avons aussi revu d’importants projets touchant des ensembles patrimoniaux, tel le site de l’hôpital Royal Victoria, l’ancien hôpital Grace Dart ainsi que le site Louvain Est. Il faut toutefois s’assurer que ces nouvelles initiatives de densification ou de mobilité n’écrasent pas, par leur envergure, les témoins de notre passé. La densification urbaine ne doit pas se faire aux dépens des bâtiments patrimoniaux et doit éviter à tout prix leur marginalisation.
Ce que nous construisons aujourd’hui constituera le patrimoine de demain. La voie du patrimoine à venir passe par la requalification des paysages, des infrastructures et des tissus urbains de Montréal. Les propositions de grands parcs tant dans l’ouest que dans l’est de la ville sont prometteuses de la requalification, voire de la conservation, des paysages naturels. À plusieurs reprises, le CPM a pu accompagner et bonifier la transformation de telles infrastructures comme l’axe de l’avenue McGill College et la place des Montréalaises. Ces projets d’envergure sont à la base de notre patrimoine futur, aussi bien que les bénéfices potentiels de la requalification des ensembles patrimoniaux et institutionnels tels l’hôpital Royal Victoria et l’Hôtel-Dieu.
Le futur REM de l’Est, dont la planification a été annoncée tout récemment, requiert des études approfondies concernant ses impacts sur le tissu urbain, les espaces verts et les biens patrimoniaux situés le long du parcours proposé. Sa construction fait craindre un possible enclavement de la vieille ville. De plus, la qualité de l’air, l’ambiance et l’esthétique d’une telle initiative requièrent notre attention afin d’assurer une meilleure qualité de vie des citoyens des quartiers touchés.
Ces enjeux concernant la perte et la production du patrimoine, ainsi que les dossiers portants sur les plans directeurs de grands parcs, les infrastructures de mobilité, la transition écologique et la commémoration, sont développés à l’intérieur de ce rapport.
Je vous souhaite une bonne lecture.
1 Georges-Émile Lapalme, Georges-Émile Lapalme : Discours et écrits politiques, 1945-1981. Sélection Édition et présentation de Claude Corbo. Montréal, Éditions Del Busso, 2018, 499 p.
Pour visiter le site internet du Conseil du patrimoine de Montréal…