Un texte de Grégory Taillon
Plusieurs options ont été discutées au cours des dernières semaines concernant le troisième lien entre Québec et Lévis, mais la solution la plus crédible semble être l’implantation d’un réseau de tramway.
En observant les résultats des récents sondages et les commentaires de la population dans les différents médias, deux conclusions semblent ressortir: les gens sentent le besoin d’avoir un nouveau lien entre les deux rives, espérant diminuer la congestion routière.
À la lumière de ces conclusions, un projet de pont ou de tunnel autoroutier semblent être les pires solutions envisageables.
À Québec, encore de nos jours, on considère l’ajout de voies d’autoroute comme un moyen viable de diminuer la congestion automobile. Il suffit de penser à l’élargissement des axes Henri-IV et Laurentienne, qui sont considérés comme des priorités par l’administration Labeaume, et qui ont été fortement appuyés par la CAQ. Il est donc normal, dans cette ville du tout-à-l’auto, que les citoyens imaginent la même solution pour un troisième lien. Malheureusement, très peu semblent réaliser qu’ils prônent directement l’aggravation de la situation.
Plusieurs études l’ont démontré au fil du temps: si l’ajout de nouvelles voies rapides règle le problème au cours des premières années, la congestion reprend vite sa place. Devant l’attrait de ces nouvelles infrastructures, le nombre de déplacements en voiture augmente, au point de rapidement saturer le réseau. On risque donc de se retrouver devant le même problème, quatre milliards de dollars plus pauvres, avec une infrastructure de plus à entretenir pour les décennies à venir.
Les propositions de liens automobiles entre les deux rives posent un autre problème: ils ne relient aucun pôle et génèrent un nouveau détour. Le détour pouvant atteindre 30 km par les ponts de l’ouest serait donc remplacé par un parcours avoisinant les 20 km, soit un tiers moins long. Bien qu’il s’agisse d’une amélioration considérable, est-il justifié de dépenser quatre milliards pour raccourcir un détour qui en reste un malgré tout? L’idéal serait un parcours routier qui reprend le tracé du traversier, mais tout porte à croire qu’il est impossible de le réaliser si on vise à y faire traverser des voitures plutôt que des gens. La présence de la voie maritime, l’espace disponible sur les deux rives et la capacité du réseau local existant ne permettent pas d’accueillir un flux automobile supplémentaire.
Rappelons également que le statut de patrimoine mondial de l’UNESCO du Vieux-Québec rend le tout encore plus sensible: la ville de Dresden, en Allemagne, a perdu ce statut en 2009, suite à la construction d’un nouveau pont.
Le troisième lien, s’il est destiné aux voitures, est donc condamné à être construit à une distance considérable des pôles qui en profiteraient le plus.
Cette localisation décentrée pose un autre risque: celui d’aggraver l’étalement urbain, déjà très présent à Québec. Si ce lien projeté ne relie pas de pôles existants, il est fort probable qu’il en génère de nouveaux. Les problèmes qui en découlent sont multiples, autant au niveau économique que social et environnemental. Ce sont d’autres terres agricoles et d’autres boisés qui risqueraient de disparaître, alors que les quartiers centraux et les banlieues de première couronne regorgent de terrains vacants et de secteurs au fort potentiel de densification.
Pour toutes ces raisons, une seule solution est envisageable si un troisième lien doit se concrétiser: un axe réservé au transport en commun. Cette solution répondrait directement aux demandes de la population: un troisième lien serait ainsi créé entre les deux rives et la congestion routière serait réduite.
Le principal obstacle à cette option: l’image négative qu’ont les habitants de Québec envers le transport en commun. Le sentiment le plus souvent exprimé est la crainte qu’on les force à abandonner leur voiture. L’objectif visé serait plutôt de rendre le transport en commun si attractif qu’une frange plus importante de la population serait tentée de l’adopter. Pour l’instant, avec un réseau uniquement constitué d’autobus, Québec attire principalement ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas utiliser la voiture. Le but ici ne serait donc pas d’aller convaincre ceux qui, pour différentes raisons, ne peuvent ou ne veulent pas se passer de leur voiture, mais bien ceux qui, en changeant quelques petites habitudes (ou devant la promesse d’un meilleur service) seraient prêts à faire le saut.
Plusieurs ont également déjà proposé un métro pour la capitale. Dès 1987, le vice-recteur adjoint de l’Université Laval, Yves M. Giroux, accompagné par les professeurs en génie civil André Picard et Denis Beaulieu, avait proposé un métro comme alternative au troisième lien. C’est effectivement un moyen de transport qui fait rêver, mais est-il justifié pour la Ville de Québec? Un métro se doit d’être en site propre, ce qui signifie qu’il doit généralement être souterrain ou aérien. Ses coûts sont très élevés et seule une population dense et nombreuse peut en justifier la construction. Si le nombre d’habitants de la région de la capitale est suffisant, la structure de la ville et les nombreuses banlieues à faible densité font en sorte qu’il serait difficile de soutenir un tel réseau.
Le tramway semble donc, une fois de plus, être la solution gagnante pour Québec. Parfaitement adapté pour une ville de cette taille, le tramway contemporain est flexible et peut régler de nombreux problèmes, en plus d’être un moteur économique intéressant.
La première portion du réseau, entre Sainte-Foy et la rue Cartier, pourrait recevoir un tramway de surface, beaucoup plus économique qu’un métro. Celui-ci desservirait plusieurs pôles et attraits importants. À partir de la rue Cartier, le tramway entrerait sous terre pour entamer sa descente de 2,5 km vers le fleuve. Cela coïncide avec les quartiers centraux, où la densité justifierait un tramway souterrain. Il agirait alors comme une sorte de métro à un coût moindre.
Un second embranchement vers Charlesbourg pourrait également être envisagé dans une phase ultérieure. Ce tunnel se terminerait au pied de la falaise, où le tramway serait en surface jusqu’à son terminus.
Pour ce qui est de la portion du réseau à Lévis, elle serait sous terre, puisque l’important dénivelé serait complexe à compenser sur une si courte distance. Le lien sous le fleuve ne ferait alors qu’un seul kilomètre de long.
Pour ce qui est du système rapide par bus (SRB) planifié par la ville de Québec, il serait parfaitement complémentaire à ce réseau de tramway. On peut d’ailleurs imaginer qu’il soit éventuellement converti et connecté au réseau si les secteurs qu’il traverse se densifient au fil du temps.
Les estimations sont toujours complexes à établir, surtout avec aussi peu de données, mais même avec les chiffres les plus conservateurs, ce réseau de tramway – incluant les deux phases – coûterait moins cher que les quatre milliards du troisième lien automobile, et ce, pour un résultat beaucoup plus prometteur.
*******