Lettre ouverte : “Poste d’Hydro-Québec au nord de la Grande Bibliothèque (BAnQ) – Au-delà du concours d’architecture”
Lettre ouverte signée par Martin Houle, Marc-André Carignan et Grégory Taillon de Kollectif, publiée dans Le Devoir le 10 juillet dernier :
“Le projet d’Hydro-Québec d’ériger un nouveau poste électrique juste au nord de la Grande Bibliothèque suscite beaucoup d’inquiétude auprès d’une partie de la population… avec raison ! Insérer une telle infrastructure au coeur d’un secteur historique et culturel comme le Quartier latin est un défi architectural colossal, qui pourrait s’avérer une erreur monumentale si les efforts nécessaires ne sont pas au rendez-vous.
Si le terrain convoité est véritablement le seul endroit où Hydro-Québec peut s’installer, la stratégie choisie par la société d’État, soit de passer par un concours d’architecture, est probablement le meilleur scénario possible. Le concours d’architecture a prouvé sa puissance à plusieurs reprises ces dernières années au Québec en mettant en compétition les plus grands architectes pour un seul et même projet, ce qui a pour effet de favoriser l’émulation et l’innovation.
De plus, certaines règles semblent incontournables pour le concours d’architecture à venir. Par exemple, on ne peut se retrouver avec un bâtiment aux façades aveugles (sans fenêtres ou sans contact avec le quartier et ses résidents). Hydro-Québec dit également vouloir patienter jusqu’à la fin du processus d’acquisition du terrain pour « analyser les possibilités de construction en souterrain ». S’il n’est pas envisageable de construire entièrement en souterrain, il serait primordial d’ancrer minimalement une portion de l’édifice sous le niveau du sol afin d’en réduire l’impact visuel sur le cadre bâti, à l’instar de gymnases dans les milieux scolaire et sportif.
Il faudrait également ouvrir la porte à une mixité d’usages. Pensons au récent poste électrique dans le quartier Elephant and Castle, à Londres, conçu par les architectes Morris + Company. Ce dernier intègre un café et une garderie au poste électrique. Le contexte bâti, dense, incitait à un mariage aussi inusité, voire contre-intuitif, pour assurer une intégration harmonieuse au secteur.
Le concours devrait aussi obligatoirement inclure une stratégie pour redonner quelque chose à la communauté afin de favoriser son acceptabilité sociale. Cet aspect est incontournable dans ce processus, à l’instar de ce qui a été réalisé avec la Denny Substation de Seattle. On pense à une structure qui émergerait du sol, accessible à partir de la rue, qui se transformerait en toiture sur laquelle on retrouverait un immense jardin et des oeuvres d’art public. Le champ des possibles est ouvert à la créativité.
De multiples villes à l’international présentent des projets exemplaires en ce sens, du Tate Modern au Powerhouse Arts à Brooklyn (centrales électriques désaffectées). Peut-être un musée du design, Montréal ayant été désignée « ville UNESCO de design » ?
Hydro-Québec affirme sur son site Web que « l’innovation est dans [ses] gènes » et qu’elle joue « un rôle central dans l’instauration d’une économie verte et durable ». Ce serait le moment parfait pour que les bottines suivent les babines, d’autant plus qu’Hydro-Québec a un historique en matière de qualité architecturale pour de telles infrastructures. C’est le cas pour le poste Viger (chemin des Moulins, à Montréal), signé par le cabinet Longpré et Marchand, qui a remporté un prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec en 1982.
Renouons avec l’excellence architecturale.”