Pourquoi avoir sélectionné ce projet à titre de vitrine pour Kollectif ?
La qualité architecturale est trop souvent associée à la richesse, aux plus aisés de notre société. Kollectif a voulu casser cette perception en mettant en valeur ce mois-ci un projet d’architecture sociale, qui s’est récemment mérité le prix d’excellence pour le « Bâtiments et ensembles résidentiels de type multifamilial » de l’Ordre des architectes du Québec.
Voilà non pas des condos de luxe, mais bien un projet de logements sociaux datant des années 1970, qui a été brillamment renouvelé pour bonifier la qualité de vie des résidents. Création d’une allée familiale de type « Woonerf », embellissement du site, locaux communautaires bonifiés, assainissement des bâtiments (moisissures)… Les bons coups sont nombreux. Si vous désirez comprendre l’ampleur du défi relevé par l’équipe d’architectes, nous vous invitons à faire une visite Google Street View du site en 2016.
Lorsqu’on compare les logements sociaux d’ici à ceux de l’étranger, particulièrement en Europe, on réalise rapidement qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire au Québec pour faire de ce type architecture un élément de fierté auprès de leurs résidents. Ce projet de SBTA est un excellent pas dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup de travail et de sensibilisation à faire. Il s’agit d’une réalisation qui a complètement changé l’image tristounette qui était associée à ces habitations, en leur offrant toute la dignité qu’elles (et surtout ses usagers) méritent.
Finalement, nous vous invitons à lire l’article rédigé par Odile Hénault pour le compte de Canadian Architect en avril dernier.
Description du projet :
Les Habitations Saint-Michel Nord, ensemble de 185 unités à prix modique situé dans le quartier Saint-Michel à Montréal, ont fait l’objet d’une revitalisation majeure au cours des trois dernières années par Saia Barbarese Topouzanov architectes. Conçu au début des années 70, par l’architecte montréalais Philip Bobrow, où le style brutaliste était à l’honneur, le complexe jouit aujourd’hui de lumière et couleurs, et s’affirme joyeusement dans le paysage, réclamant respect et dignité pour ses résidents.
Suite à une étude du complexe d’habitations, dont les composantes avaient atteint leur durée de vie utile, la solution proposée et retenue fût le remodelage de l’ensemble, caractérisé par l’implantation d’une rue au centre de l’îlot et l’ajout d’un 3ième étage aux bâtiments existants de 2 étages. Parmi les critères à respecter figuraient la réutilisation de l’ossature de bois des bâtiments et l’obligation de maintenir le même nombre d’unités qu’à l’origine.
Défi architectural
Conformément aux objectifs du scénario adopté, la tâche première des architectes a été d’élaborer une stratégie qui permette de désenclaver l’îlot, de conserver le même nombre d’unités disponibles, de remédier aux problèmes d’enveloppe et de sécurité et, enfin, de créer un cadre de vie plus ouvert à la communauté.
L’introduction d’une rue centrale partagée au cœur de l’îlot, inspirée du concept de woonerf provenant des Pays-Bas, a entraîné la démolition de six petits bâtiments d’origine. La démolition est devenue une opportunité pour évoquer la mémoire des lieux avec l’ajout d’espaces publics, soit des placettes (piazzettas) dans la rue partagée. L’ajout d’un troisième étage sur huit bâtiments de deux étages a permis aux concepteurs de conserver le nombre d’unités de départ.
Le projet a également été conçu dans un objectif d’efficacité énergétique optimale, tant au niveau de l’enveloppe que des systèmes mécaniques. La rue partagée offre des surfaces de circulation piétonnes et véhiculaires au pavage perméable et le plan d’aménagement paysager prévoit des bassins de rétention et de bio-rétention des eaux pluviales. Enfin, le site est doté d’un système de gestion des déchets et des matières recyclables novateur, utilisant de grands bacs communs semi-enfouis. De nombreux arbres ont également été conservés sur le site.
Sécurité et communauté
La rue partagée revêt une importance toute particulière dans le projet puisqu’elle permet la création de parcours piétonniers, ouverts, sans cul-de-sac, qui renforcent le sentiment de sécurité des résidents.
Trois espaces communautaires ont été totalement repensés et aménagés dans des locaux appropriés, plus vastes et lumineux. Les Habitations Saint-Michel Nord sont maintenant dotées d’un pôle communautaire plus accessible à la communauté puisque tous les organismes ont pignon sur rue. On y retrouve un restaurant communautaire, une halte garderie, ouverte aux enfants du quartier, une Petite Maison pour les enfants de 6-12 ans, une Maison des jeunes pour les 12-17 ans et une salle multifonctionnelle.
Ouvertures et luminosité
Les architectes ont fait trois choix stratégiques : utiliser la couleur, introduire des balcons en saillie et escaliers en colimaçon permettant à tous les résidents d’avoir directement accès au sol et à leur logement depuis l’extérieur; et créer des ouvertures dans les murs latéraux des bâtiments, auparavant opaques.
Les unités de logement ont été totalement rafraîchies et pourvues de fenêtres plus hautes; la disposition des pièces a été modifiée, en particulier dans les blocs dotés d’un étage supplémentaire dans lesquels les logements, autrefois divisés par un corridor, sont aujourd’hui traversants. Une seconde amélioration a été de doter les unités de balcons en saillie plutôt qu’en loggia, créant ainsi un espace de vie supplémentaire, fort apprécié en saison chaude par ces ménages aux moyens modestes.
Identité et matérialité
Les architectes ont puisé leur inspiration dans les œuvres d’un grand artiste vénézuélien, Carlos Cruz-Diez (1923-2019). Son travail, visible encore aujourd’hui dans de nombreux lieux publics d’Europe et d’Amérique du sud, joue sur les effets cinétiques obtenus par rapprochement et superposition.
Le rapprochement de deux teintes pour en créer une troisième a ainsi permis d’obtenir sept couleurs distinctes à partir de quatre tons de base, allant d’un jaune très pâle à une couleur brique, presque bourgogne, assez soutenue. La composition des façades a donc été déterminée par ce jeu de couleurs chaudes qui ont totalement transformé l’image projetée par les Habitations.
Dans ce nouveau décor joyeux, la couleur contribue ainsi à donner aux résidents des Habitations Saint-Michel Nord un sentiment d’appartenance et d’identité. Les architectes ont voulu transformer les contraintes en atouts et offrir aux résidents un milieu de vie digne, lumineux et sécuritaire, souhaitant rompre avec le stigmate du logement social affichant la pauvreté.
Pour plus d’information à propos du projet…
Fiche technique du projet :
- Titre officiel du projet : Habitations Saint-Michel Nord
- Localisation : Montréal, Québec
- Client : Office municipal d’habitation de Montréal
- Architecte : Saia Barbarese Topouzanov Architectes
- Ingénieur en structure et civil : Cima+
- Ingénieur en électro-mécanique : Aedifica
- Architecture du paysage : Vlan
- Entrepreneur général : Cybco Inc.
- Date de fin de projet : 2020
- Crédit photo : James Brittain
- Source : v2com-newswire.com
Description de la firme :
La firme Saia Barbarese Topouzanov architectes pratique l’architecture et le design urbain. Mario Saia la cofondait en 1968 tandis que Dino Barbarese et Vladimir Topouzanov s’associaient à elle respectivement en 1987 et 2002. Les concepts clairs qui structurent les projets même les plus complexes, la convivialité qui s’y déploie, la présence de la lumière et l’actualité du vocabulaire architectural, tous caractérisent son travail.
Pour visiter le site internet de Saia Barbarese Topouzanov architectes…
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