C’est un dimanche après-midi comme les autres. Je déambule nonchalamment le long du Canal de Lachine avec ma copine, gelato à la main, sous un soleil de plomb. Marcheurs, cyclistes et kayakistes s’activent dans diverses directions telle une danse impromptue.
Dans le secteur du marché Atwater, un seul petit pont piétonnier réunit les deux rives. Il s’agit d’une simple structure métallique décolorée, déposée sur des piliers de béton ornés de graffitis. Bref, un pont d’une banalité regrettable pour un secteur en plein redéveloppement. Malgré tout, enthousiasmé par la beauté du site, cela ne m’en prenait pas plus pour fantasmer sur une structure digne d’un Montréal reconnu comme Ville UNESCO de design.
Et si le Canal de Lachine offrait un peu de fantaisie, de poésie architecturale, à ses passants?
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Le fantasme australien
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Conçu par l’artiste Robert Owen et la firme d’architectes Denton Corker Marshall, le Webb Bridge est un magnifique pont réservé aux piétons et cyclistes qui souhaitent chevaucher la Yarra River de Melbourne en Australie. Cette structure a été la pierre angulaire au tournant des années 2000 d’un large projet de revitalisation d’un ancien secteur réservé au transport maritime.
Souhaitant redonner vie à ce quartier abandonné, la société de gestion des rives, the Docklands Authority, a autorisé l’édification de complexes résidentiels sur ses terrains à une seule condition : 1% du budget de construction doit être investi dans l’art public pour embellir le secteur. Suite à une large consultation publique, c’est le Webb bridge qui a été retenu pour un budget de 1,5M$.
Fabriqué partiellement de matériaux récupérés sur les quais abandonnés, ce pont torsadé a été inspiré du célèbre jeu pour enfant du « Slinky ». D’une longueur de 225 mètres, la structure s’illumine dès la tombée de la nuit réfléchissant diverses couleurs dans la Yarra River.
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Le fantasme canadien
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Calgary s’est offert tout un cadeau cette année : le Peace Bridge. Conçu par le réputé architecte et ingénieur espagnol Santiago Calatrava, ce nouveau pont piétonnier de 126 mètres de long connecte deux quartiers de la métropole jusqu’ici séparés par la Bow River. Ce projet architectural s’inscrit dans le plan de développement durable de Calgary et vise à stimuler les déplacements actifs plutôt que le transport automobile.
Malgré son élégance et sa grande utilité, le Peace bridge a suscité une large controverse au cours de la dernière année. Financé entièrement par des fonds publics, des citadins se sont farouchement opposés à ce projet de 24,5M$. Ces derniers auraient plutôt souhaité investir ce montant pour d’autres initiatives communautaires qui auraient pu, selon eux, profiter à une plus grande partie de la population. De son côté, la ville de Calgary perçoit ce projet comme un levier économique pour la région, espérant attirer des touristes friands d’architecture.
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Le fantasme géorgien
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Rappelant les courbes d’un animal marin, ce sublime pont pédestre résulte d’une collaboration entre l’architecte italien Michel De Lucchi et le designer français Philippe Martinaud. Enjambant la Mtkvari river à Tbilisi, le concept de base de cette structure de verre et d’acier constituait à métaphoriser la vision gouvernementale du président géorgien Mikheil Saakashvili : une vision basée sur le modernisme, la transparence politique et la paix. Plus 30 000 lumières LED ont d’ailleurs été installées sur des panneaux verticaux transmettant différents messages de paix et d’allégresse tout au long de la journée.
Mais avant tout, le but ultime visé par les autorités municipales avec cette réalisation était de faire reconnaître la ville sur la scène architecturale internationale. Un pari réussi selon vous ?
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Crédits photo: Marc-André Carignan (Montréal), Denton Corker Marshall (Melbourne), Ian Harding (Calgary) et Ivane Goliadze (Géorgie)