ÉDITORIAL – Martin Houle (Kollectif) – "Dévoilement des nouveaux abribus de la STM"
Ce “contre-éditorial” est en réponse à l’éditorial de la journaliste Lysiane Gagnon publié dans La Presse le 11 novembre dernier suite au dévoilement des nouveaux abribus de la STM.
Premièrement, voici un extrait du communiqué de presse de la STM:
“La Ville de Montréal et la STM dévoilent l’abribus du 21e siècle
Montréal, le 8 novembre 2010 – Dans la foulée du concours de design d’abribus, Michel Labrecque, président du conseil d’administration de la Société de transport de Montréal (STM), et Mme Helen Fotopulos, responsable de la culture, du patrimoine, du design et de la condition féminine au comité exécutif de la Ville de Montréal, ont dévoilé aujourd’hui les trois prototypes d’abribus conçus par le consortium de designers Leblanc + Turcotte + Spooner et fabriqués par Provincial Sign Systems. Ces prototypes sont issus d’un concept permettant diverses possibilités de configurations de tailles selon l’achalandage aux arrêts, afin de répondre aux besoins de la clientèle en termes de confort et de sécurité.
Ce dévoilement s’est déroulé devant le prototype « universel », situé à l’angle du boulevard René-Lévesque et de la rue Jeanne-Mance, en présence de Mme Manon Barbe, responsable du transport au comité exécutif, Mme Tatjana Leblanc, représentante du consortium de designers Leblanc + Turcotte + Spooner, lauréats du concours de design annoncé en janvier dernier, ainsi que M. Ken Duxbury, représentant du fabricant Provincial Sign Systems.
« Ce que veut notre Administration, c’est inciter le plus grand nombre de citoyens à utiliser le transport en commun. C’est un véritable changement d’habitude et de comportement que nous proposons. C’est pourquoi nous prenons les moyens nécessaires pour leur offrir une expérience agréable en termes de temps et de confort. Et nous en avons une autre preuve aujourd’hui avec ce projet de nouvel abribus. Ce qui est aussi formidable avec ce dernier, c’est que nous faisons une pierre deux coups : en plus d’accroître le service aux usagers de la STM, nous avons en main un produit innovant qui renforce Montréal, ville UNESCO de design grâce au talent des designers d’ici », a déclaré Mme Fotopulos.
« Ce nouveau design d’abribus se décline en trois types, soit « standard », « universel » et « standard avec extension », qui peut inclure notamment un support d’affichage publicitaire, un banc et un système d’alimentation solaire. La STM réalisera des sondages auprès de sa clientèle régulière et du milieu associatif afin d’en connaître son appréciation, de même qu’elle procédera à l’évaluation de ces prototypes sur le plan de l’entretien. Elle lancera l’appel d’offres public au printemps prochain pour la fabrication de 400 abribus pour l’ensemble de son réseau. Ainsi, la Société ajoutera et remplacera progressivement son parc actuel pour répondre aux nouveaux besoins de sa clientèle en matière de confort, de propreté, d’accessibilité et de sécurité de ses installations », a déclaré M. Labrecque.”
Pour continuer la lecture du communiqué de presse de la STM…
Deuxièmement, voici l’intérgral de l’éditorial de Madame Gagnon (voir original):
“Abribus pour millionnaires
On loue l’efficacité accrue du réseau d’autobus montréalais, de même que la courtoisie des chauffeurs, et je suis bien la première à m’en réjouir. Mais est-ce une raison pour imposer aux contribuables des abribus de millionnaires?
Taxer les automobilistes en fonction des émissions de leur véhicule, introduire le péage sur les ponts aux heures de pointe, encourager les transports collectifs, j’en suis. Mais il faut garder le sens de la mesure. Or, cette qualité semble s’être complètement perdue à Montréal. À preuve, l’importance absolument disproportionnée que nos édiles accordent aux pistes cyclables, dans une ville qui est aux prises avec le froid et la neige six mois par année.
Ces fameuses pistes sont quasiment vides même les jours de beau temps, et le Bixi, le diamant sur la couronne de nos édiles, est une entreprise déficitaire qui serait un fiasco si l’on n’avait réussi à vendre la formule à quelques villes étrangères. (Même dans le Plateau, haut lieu du talibanisme écologique, le plus récent sondage disponible montre que seulement 6% des résidants se déplacent habituellement à vélo!)
On a échappé au pire, le chef taliban étant maintenant écarté du comité exécutif de Montréal. On pourra enfin avoir un jour, après d’inutiles et coûteuses pertes de temps, un Turcot 2 conçu par et pour des adultes rationnels.
Mais voici maintenant un nouvel engouement de la Société des transports: les abribus «high tech».
On veut en implanter partout. L’idée est bonne, assurément, pour les mêmes raisons climatiques qui expliquent le peu de succès du vélo comme mode de déplacement quotidien au Québec. Mais pourquoi 14 millions pour des cubes de verre sophistiqués, équipés de capteurs qui mettront en marche un système d’éclairage automatique?
Pourquoi faut-il que ces nouveaux abribus coûtent deux fois plus cher que les anciens, soit de 14 000$ à 16 000$ chacun? Pourquoi ce luxe, dans une ville où le mobilier urbain est modeste et où les besoins essentiels (des rues bien pavées par exemple) ne sont même pas assurés? Dans une ville qui a le record de la pauvreté urbaine au Canada et dont l’administration est dans le rouge?
Comme l’écrit un collègue, c’est comme si, «au lieu de réduire le temps d’attente dans les urgences, le ministère de la Santé dépensait des millions pour équiper les salles d’attente de lazy-boy chauffants!»
Ah! Mais ce seront, dit le PDG de la STM, «des abribus design, pour une ville design».
Où est-ce qu’il a vu que Montréal était une ville «design», M. Labrecque? Cette caractéristique n’existe que dans la tête des publicitaires de l’administration municipale, il suffit de se promener à Montréal pour constater le contraire.
Autre chose. C’est sympa, un abribus qui vous protège de la neige et de la pluie, mais pas si vous devez le partager, dans des odeurs d’urine, avec des personnages qui y ont élu domicile avec chiens, sacs-poubelles et bouteilles de bière. Or, cela risque de se produire, d’autant plus qu’on compte y installer des bancs.
À Paris, il n’est pas rare de voir des gens attendre l’autobus sur le trottoir… parce que l’abribus a été squatté par des individus qui s’en servent pour cuver leur vin. Le métro de Paris a contourné ce problème en remplaçant les bancs par des sièges distants les uns des autres. Aussi serait-il opportun de prévoir des sièges plutôt que des bancs dans nos futurs abribus. Cela empêcherait au moins que les abribus servent de chambre à coucher à des gens qui ne prennent pas l’autobus. Il en va du confort et de la sécurité des usagers des transports en commun.”
Finalement, voici le courriel que j’ai envoyé à Madame Gagnon (qui l’a lu) en réaction à son éditorial:
“En réaction à votre article sur les abribus…
Bonjour Madame Gagnon,
Je vous remercie de l’attention que votre article a amené sur les nouveaux abribus de la STM mais je dois vous avouer que je suis profondément déçu de votre jugement sur le fait que ce sont des “abribus de millionaires”.
Vous mentionnez notamment dans votre article:
“Comme l’écrit un collègue, c’est comme si, «au lieu de réduire le temps d’attente dans les urgences, le ministère de la Santé dépensait des millions pour équiper les salles d’attente de lazy-boy chauffants!»
Ah! Mais ce seront, dit le PDG de la STM, «des abribus design, pour une ville design».
Où est-ce qu’il a vu que Montréal était une ville «design», M. Labrecque? Cette caractéristique n’existe que dans la tête des publicitaires de l’administration municipale, il suffit de se promener à Montréal pour constater le contraire.”
De toute évidendence, malgré le fait que les bureaux de La Presse soit à 2 minutes d’une des plus grande restructuration urbaine qu’est le Quartier international, le mobilier urbain de Michel Dallaire ne vous a guère impressionné. Si je continue sur votre ligne de pensées, les lampadaires, poubelles et bancs de ce quartier aurait dû être fait en plastique et en acier au moindre coût possible… Vous avez tout à fait raison – Montréal ne mérite pas mieux…
Si jamais vous avez encore des doutes sur le fait que Montréal n’est fait que pour une petite bouchée de pain, qu’un design de qualité n’est pas un investissement économique en tant que tel, que le fait d’encourager des designers d’ici au lieux d’acheter notre mobilier urbain au meilleur prix fabriqué en Chine, je vous invite à visiter le site de Kollectif. Depuis 5 ans, plus de 2500 articles y ont été publiés, faisant notamment l’éloge et la promotion du talent de nos designers d’ici et j’espère qu’une lecture attentive de votre part sur le contenu de Kollectif vous fera réalisé, en partie, que ce ne sont pas des abribus de millionaires que la STM a commandé mais bien des abribus fièrement conçus ici, au Québec.
Le design de qualité est un investissement pour la collectivité et comme tout investissement, il a une période d’amortissement à assumer avant de pouvoir tirer les profits.
J’ai mis Madame Marie-Josée Lacroix, Directrice du bureau Design Montréal de la Ville de Montréal et Monsieur Alain Dufour, Directeur-général de Mission Design en CC car oui, nous avons des gens qui se battent depuis plusieurs années à changer la vision des gens par rapport au design: ce ne sont pas seulement des publicitaires de l’administration municipale…
Merci de votre attention et au plaisir,
Martin
P.S.: Votre article sera publié sur le site demain afin de partager votre opinion avec le restant de la communauté architecturale et du design du Québec.”
Pour voir et partager votre opinion via le blogue de la STM…
Pour voir l’article original annonçant les lauréats du concours dans le cadre de SHUKO Montréal…
Pour partager votre opinion avec Madame Gagnon, vous pouvez lui écrire directement à l’adresse courriel suivante: lysiane.gagnon@lapresse.ca
Pour lire les éditoriaux passés de Kollectif.net…
(*) Les propos mentionnés dans la section “éditoriale” de Kollectif n’engagent que son auteur.
(**) Vous désirez vous aussi publier un éditorial sur Kollectif? Voici les modalités!