Un texte de Marie-Claude Plourde
En tant qu’aménageurs de l’espace public, nous avons un rôle central à jouer quant au développement de la ville et, par rebond, sur le développement du comportement des citadins.
À l’ère médiatisée, les technologies participent à l’accroissement démesuré d’un partage d’informations erronées, au détriment des faits et de leurs circonstances. Par conséquent, notre assimilation d’une importante masse de nouvelles et de faits, dont nous n’avons pas l’expérience, limite notre capacité d’analyse critique de l’information. Cette consommation médiatisée et individualiste de la réalité contribue à l’émergence de raisonnements raciaux, misogynes, islamophobes… Bref, une quantité de pensées discriminatoires.
Dans la foulée des évènements du 29 janvier à Québec, comment peut-on améliorer cette cohésion sociale d’un point de vue urbanistique?
Concevoir des espaces de contacts humains accueillants et de qualité est aujourd’hui primordial afin que nous puissions apprendre sur l’autre (et sur soi-même) pour ainsi faciliter l’acceptation et le respect de tout individu, quel qu’il soit.
Nathalie Boucher, anthropologue de l’urbain, en sait quelque chose. Dans le cadre du colloque «Urbanisme durable et villes de demain» du Conseil du bâtiment durable du Canada, cette dernière nous a récemment entretenus, de manière éloquente, du rapport liant «l’homme habitant de la ville» avec les lieux publics de son entourage.
Mme Boucher a exploré des espaces publics de partout dans le monde afin de mieux comprendre leur dynamique et, par conséquent, d’approfondir le rôle de ces lieux dans les écosystèmes urbains. Ses multiples observations, rencontres et discussions l’ont amenée à concevoir la place publique comme un outil anthropique pour manifester son existence.
La place publique, explique-t-elle, permet de voir et d’être vu. Elle permet de voisiner l’autre dans des espaces neutres, de s’imprégner de sa différence et même, à certaines occasions, de s’y identifier par-delà les différences. Cela contribue à développer notre sympathie, notre connaissance, et donc, notre acceptation des autres.
Un exemple concret est celui des Jardins Gamelin à Montréal. Lors d’un panel sur l’inclusivité et l’équitabilité, notamment en compagnie de Jérôme Glad de La Pépinière – espaces collectifs (qui a participé à la conception de cet espace public montréalais), tous deux soulignaient que la création d’un lieu de cohabitation mixte est possible et même heureuse.
À travers ses activités, les Jardins Gamelin ont rendu visible à tous une coopération qui existait déjà entre des organismes locaux et les itinérants, notamment en matière d’alimentaire. Cela a contribué à multiplier les relations entre tous les acteurs du projet, favorisant la tolérance des parties prenantes et des usagers face aux itinérants et vice-versa (voir article ici).
Il est donc de notre ressort de poursuivre nos engagements au déploiement d’espaces pour tous, où nous pourrons parfaire notre connaissance de l’autre. Ne lésinons pas sur la contribution de disciplines connexes: anthropologue, sociologue, psychologue… Créons ensemble des espaces d’apprentissage et de tolérance. Contribuons ensemble à briser les barrières.
*****