L’espace public plus que jamais au coeur de nos vies et de nos villes
De la part de Véronique Fournier, directrice générale du Centre d’écologie urbaine de Montréal :
“En l’espace de quelques semaines, voire quelques jours, notre monde a changé. La crise sanitaire actuelle bouleverse nos vies personnelles et collectives et nous ramène à l’essentiel, ce qui compte vraiment en tant qu’êtres humains. Familles, collègues, voisins ou membre de nos différentes communautés, nous sommes fondamentalement des êtres sociaux, connectés les uns aux autres et responsables les uns des autres.
Cette toile humaine se tisse à travers nos quartiers, nos curs villageois, nos centres-villes, ces milieux de vie qui génèrent les repères du quotidien. Parfois intangibles, souvent routiniers, ce sont les parcs fréquentés avec les enfants, l’intersection avec la brigadière, le détour à la fruiterie en saluant les voisins, le banc public des amoureux, la course à pied avant le boulot sur les trottoirs. Ce sont aussi des espaces d’émotions. Quand la neige se retire, que la douce folie du printemps et du soleil chatoyant revient, s’agglutinent un peu partout aux tables à pique-nique, aux terrasses, aux places publiques, des jeunes, des plus vieux, des familles… C’est du bonheur. Celui dont aujourd’hui nous mesurons l’ampleur quand l’accès à l’espace public est restreint, le rendant désert et silencieux. La pause collective de la vie dans l’espace public doit nous inspirer pour l’après. Pour planifier des milieux de vie qui chérissent les espaces publics et qui affectionnent l’échelle du piéton, celle où les regards se croisent en marchant et où la distanciation est chose du passé. Pour planifier l’environnement dans nos villes en y faisant une place privilégiée à la nature, aux oasis actuellement recherchées que sont les parcs et espaces verts, et à la vie communautaire où s’expriment la solidarité et la bienveillance.
Cette toile humaine se tisse par ailleurs à travers le lien social et démocratique qui fabrique le vivre-ensemble et l’agir collectif. Nous traversons un épisode inédit pour nos sociétés modernes et leurs institutions démocratiques qui secoue en quelque sorte le confort et l’indifférence ambiants. L’État, les villes, les élus, la fonction publique catalysent la réaction collective et les solutions requises dans l’urgence. L’isolement social ne doit pas être synonyme du deuil de la démocratie à l’échelle des citoyens : la démocratie ne peut être mise sur pause. Elle est faite de dialogues et d’engagements de citoyens et d’organisations qui souhaitent contribuer aux enjeux et solutions, de villes et de collectivités qui planifient l’après. Les espaces actuels de démocratie participative dans nos milieux de vie, pensons aux consultations publiques municipales ou aux initiatives locales de participation citoyenne, peuvent être adaptés au contexte actuel sans faire fi non plus d’enjeux tels que l’inclusion ou l’accessibilité. Ce défi démocratique doit nous inspirer dès aujourd’hui pour penser la suite.
Nul ne peut prévoir l’issue, mais nous savons tous que ce sera différent. Nous mesurons actuellement l’importance des milieux de vie humains, naturels et inclusifs qui résonnent à notre coeur comme des services essentiels. Peut-être pouvons-nous profiter de cette pause pour imaginer nos milieux de vie de demain et le futur de nos espaces publics, pour construire une vision de la ville post-pandémie qui sera, espérons-le, résiliente, démocratique et en santé? Ce serait un grand chantier collectif auquel nous répondons présents.”
Pour visiter internet du Centre d’écologie urbaine de Montréal…