Théâtre Gilles-Vigneault par Atelier TAG et Jodoin Lamarre Pratte architectes en consortium
Pourquoi avoir sélectionné ce projet à titre de vitrine pour Kollectif ?
Une seule visite au Théâtre Gilles-Vigneault nous aura convaincus de sélectionner ce nouveau phare culturel de Saint-Jérôme comme PROJET DU MOIS. La signature de cette réalisation, qui réside dans son magistral plafond de bois, frappe notre imaginaire par sa composition géométrique qui donne l’impression d’une simple feuille de papier méticuleusement pliée selon les principes de l’origami. Unissant le hall d’entrée à l’espace public extérieur, le contraste du bois avec les autres éléments du décor, tels que le verre et les structures métalliques blanchâtres, permet au plafond de s’imposer dans l’espace, en plus de faire ressortir la pureté esthétique du matériau. L’emploi du bois se poursuit jusque dans la salle de spectacles sous forme d’ondulations, qui viennent habilement rythmer le cœur du théâtre en lui conférant une apparence très chaleureuse.
Description du projet :
Le concept architectural proposé réévalue l’expérience du théâtre dans le contexte d’une ville en plein processus de repositionnement. La nouvelle salle de spectacle de Saint-Jérôme se veut non seulement un catalyseur social pour la communauté immédiate mais aussi un moteur culturel et économique important pour la région en créant un projet iconique et signalétique, porteur du rayonnement grandissant en arts de la scène de son diffuseur et de la filière bois de son territoire.
Le théâtre de la place publique : la création d’espaces symboliques
Sensible au potentiel créé par la Ville à travers la réalisation de la « Place des festivités », la nouvelle salle de spectacle vient consolider le portfolio de bâtiments civiques et culturels qui orbitent sur le site. Le volume orthogonal du modèle théorique est d’abord scindé afin de s’ouvrir sur la place publique. Son foyer, ouvert et transparent, embrasse la place publique, s’y déploie alors que sa tribune cueille les visiteurs au passage. Ainsi congédiée, la frontalité architecturale propre à l’espace classique du modèle théorique est réinterprétée au profit de surfaces « parcourables » ceinturant l’auditorium.
En réponse à l’asymétrie marquée du site, la façade Est s’incurve et laisse pénétrer le paysage et l’animation du parc linéaire qui la borde. D’ici on aperçoit la foule qui déferle depuis la salle de spectacle vers le double foyer à l’entracte. Superposé à l’étage, les bureaux de l’administration jouissent de la lumière naturelle matinale ainsi que des vues prenantes sur les Laurentides et le parc linéaire qu’ils surplombent.
Le dais de bois: le dispositif socio-spatial unifiant et identitaire
Le concept proposé multiplie l’expérience théâtrale au-delà de l’enceinte consacrée de l’auditorium. L’architecture invite les visiteurs dans une suite d’espaces intérieurs et extérieurs interconnectés circonscris par un dais de bois de près de 10.000 pieds carrés. La surface plissée du dais forme un dispositif architectural qui fonctionne sur plusieurs registres. Par son échelle spectaculaire, le dais de bois est l’élément dominant du projet. Sa planéité, son langage contemporain et la présence enveloppante de son bois se veulent le contrepoint à l’aplomb de la flèche métallique néo-classique de la Cathédrale. Cette mise en scène urbaine crée non seulement un nouvel axe civique significatif mais, de plus, rend intelligible la perspective historique de Saint-Jérôme, d’hier à aujourd’hui, à l’intérieur d’un même rayon visuel. Elle matérialise une « histoire » et la raconte à travers des matières dures, depuis la verticalité patriarcal et hermétique de l’architecture ecclésiastique du 19e siècle vers l’horizontalité démocratique et égalitaire de la société contemporaine Québécoise.
La présence iconique dans la ville de cette nouvelle salle de spectacle découle en partie de l’imaginaire constructif de son assemblage. Au-delà des techniques usuelles de lamellé croisé sous forme de poutre, le projet innove en proposant plutôt une dalle plissée qui exploite la rigidité latérale du système. L’origami de bois qui en résulte forme un diaphragme non seulement plus performant en termes de légèreté mais permet aussi l’intégration parfaite des systèmes mécaniques à même ses plis. L’architecture, la structure et la mécanique ne font qu’un. D’un point de vue culturel, le bois offre de plus une valeur ajoutée incontestable au projet, soit celle de concevoir ce matériau non pas comme une tendance mais bel et bien en tant que matière faisant référence à la culture constructive Québécoise. Son imaginaire matériel nous permet de redécouvrir le caractère distinct du territoire des Laurentides et les liens fondamentaux qui existent entre ses ressources naturelles, son savoir faire technique et son patrimoine bâti. Tant par son site que par son programme, le projet permet de mettre en scène de façon poétique la double existence du bois; soit la première en tant qu’arbre vivant qui se transforme de saison en saison et la seconde comme œuvre architecturale issue de la mémoire collective qui nous anime.
La magie de l’évènement théâtral:
L’expérience architecturale et sa matérialité
Tout en lumière et perçue depuis la rue de la Gare, le dais de bois s’illumine à la pénombre consacrant ainsi un nouveau lieu de confluence festif pour la communauté et structurant une véritable porte d’entrée aux vallées enneigées des Laurentides. Depuis le carrefour l’ensemble du spectacle de société qui s’y déroule anime le lieu. Le parvis de la Place se soulève, devient tribune, et révèle tout en transparence sur la façade principale un grand foyer sémillant sur double niveau. Depuis le bar à l’étage, les visiteurs redécouvrent l’immensité des Laurentides alors que la surface éthérée d’aluminium de la salle amplifie la perspective et multiplie l’animation. Les murs de refend qui découpent la paroi nuée expriment la profondeur de la masse de bois sculptée de la salle. Chacun des vomitoires s’ouvre à l’inverse sur un élément marquant du paysage jérômien, réaffirmant ainsi la notion de seuil perméable, dont les percements calculés orientent l’expérience du visiteur et contribuent à l’organisation collectiviste de l’espace architectural dans lequel les différents domaines intérieurs et extérieurs se fondent.
Dans un même esprit de dissolution des limites entre architecture et paysage, la salle de spectacle est enveloppée d’un voile ajouré d’aluminium qui permet, à travers un travail optique en couches, d’estomper la masse imposante réelle de la cage de scène. Sa qualité lumineuse et atmosphérique est une référence vivide à la présence majestueuse de la toiture en bardeaux métalliques de la Cathédrale. Toutes deux miroitent et se façonnent au passage du soleil. Depuis l’autoroute, les soirs de spectacle, on aperçoit sa présence festive de loin alors que son tissage métallique prend vie à l’aide d’autant de pixels lumineux qui animent sa surface médiatique grâce à l’intégration judicieuse des arts à l’architecture.
Fiche technique :
- Titre officiel du projet : Théâtre Gilles-Vigneault
- Localisation : Saint-Jérôme, Québec
- Client : En-Scène
- Architectes : Atelier TAG et Jodoin Lamarre Pratte architectes en consortium
- Ingénieur en structure : SDK
- Ingénieur électro-mécanique : SMi Enerpro
- Entrepreneur général : Construction Demathieu Bard
- Date de fin de projet : novembre 2017
- Superficie : 2,600 m2
- Budget : 18 M$
- Crédit photo : James Brittain
- Acousticien : Legault & Davidson
- Scénographe : GOMULTIMEDIA
- Éclairage: CS Design
- Gestion de projet : Avison Young
Description de la firme :
Fondé sur une relation de confiance et de respect, Atelier TAG et Jodoin Lamarre Pratte architectes en consortium allient créativité architecturale, innovation technique et expérience de gestion depuis près de 20 ans. Cette collaboration a engendré la conception de nombreux projets culturels de très grand prestige, dont, le Pôle du savoir, d’histoire et de la culture de la Ville de Chambly, le Pavillon pour la Paix Michal et Renata Hornstein du Musée des Beaux-arts de Montréal, la rénovation de la Salle Wilfrid-Pelletier à la Place-des-Arts, la Bibliothèque Raymond-Lévesque de Longueuil, le Théâtre du Vieux-Terrebonne et la Bibliothèque de Châteauguay.
Atelier TAG est un partenariat d’architecture et de recherche fondé à Montréal en 1997 par Manon Asselin et Katsuhiro Yamazaki. La qualité exceptionnelle de sa production architecturale est reconnue pour l’attention soignée de sa construction, ainsi que pour la grande clarté et la rigueur de la planification de ses réalisations en milieu culturel. La firme est aujourd’hui reconnue dans le domaine culturel avec notamment, plusieurs prix et médailles. Ses réalisations soulignent l’expertise de pointe dans la conception de projets issus de concours et d’intervention dans le patrimoine majeur. Reconnu pour une production architecturale limitée qui privilégie la qualité, chaque projet de concours réalisé par l’Atelier TAG s’est vu décerner une médaille du Gouverneur général en architecture.
Jodoin Lamarre Pratte architectes conçoit et construit une architecture humaine, durable, fonctionnelle et lumineuse, adaptée à ses usagers et intégrée à son environnement depuis 1958. La qualité des projets conçus et réalisés est le fruit d’une collaboration constante à chaque étape, qu’elle soit de nature fonctionnelle, technique, économique ou esthétique. La philosophie de l’entreprise est basée sur la diversité et la complémentarité des membres de sa grande équipe, qui se consacre à la conception architecturale, la construction et le réaménagement d’édifices institutionnels de toutes les envergures, spécialisés et de nature technique complexe, plus particulièrement dans les domaines de la santé, de la culture, des transports, de l’enseignement et de la recherche. Récipiendaire de plus de 125 prix d’excellence et distinctions en architecture et regroupant plus de 100 personnes, son équipe a démontré à de nombreuses reprises sa capacité à concevoir et à réaliser des projets d’une grande qualité architecturale.
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